Restauration du pont des Planches de 1778 à Ormont-Dessous 

Les Planches est un lieu de passage obligé pour se rendre depuis la Forclaz au chef-lieu le Sépey ainsi qu’à l’Eglise de Cergnat. En effet, originellement, le chemin principal menant depuis le Léman ou le Gd-St-Bernard au Pays d’Enhaut ou au Gessenay passait en rive gauche de la Grand’Eau par la Forclaz puis le col du Pillon ou alors par le col des Mosses, les Planches formant un passage important. La route cantonale construite dans les années 1836–1838 en rive droite a relégué les Planches au second plan. Jusqu’au XVIIIe siècle, c’était un pont en bois, nommé aussi le pont des Moulins. Ce pont de bois, plusieurs fois emporté par les crues a été remplacé en 1778 par un pont de pierre, objet du présent article. Les archives ont conservé de nombreuses traces du projet et de la construction de ce pont, dont les plus intéressantes sont une élévation montrant les gargouilles, les recherches de fonds auprès des autorités bernoises, le contrat avec le maçon, ainsi que plusieurs rapports de chantier.

En 1913, le pont routier et ferroviaire actuel est terminé, reléguant le pont de 1778 à l’arrière-plan. La route cantonale n’atteindra la Forclaz qu’en 1922.

Depuis la classification comme monument historique de 1968, plusieurs tentatives ont été menées pour assainir ce bel ouvrage : en 1993, lors de la restauration du pont routier et ferroviaire de 1913, puis en 2015 après la fermeture du pont aux piétons suite à l’affaissement de la chaussée. En 2021, la commune a développé le projet et obtenu des offres fermes en vue d’une restauration. Les premiers contacts fructueux visant à obtenir le financement des travaux ont eu lieu la même année. La création de l’Association des amis du pont des Planches a permis de poursuivre les recherches de fonds et permettre la concrétisation de l’assainissement, qui a eu lieu en 2023.

Peu avant le début des travaux, en mars 2023, le mur tympan aval, qui gonflait et qui était la cause de la fermeture du pont, s’est effondré en rive gauche. Les 3 tirants anciens contenaient ce gonflement ; l’un d’eux s’est rompu, les autres ont pu être redressés et remis en place. Les contrôles géométriques de la voûte ont montré que cette dernière était restée stable malgré l’éboulement du tympan. Ainsi, les travaux ont été menés en sécurisant les maçonneries d’abord depuis le haut, et en finissant avec les travaux de remontage du mur effondré et l’assainissement de la voûte : il n’était pas envisageable que des ouvriers travaillent au-dessous de maçonneries non sécurisées. L’échafaudage a été complété à mesure de l’avancement des travaux de jointoyage. La reconstruction du tympan éboulé a ensuite stabilisé la voûte, qui a ainsi été traitée en dernier.

Les poutres principales de l’échafaudage, d’une portée de 26m et pesant plus de 3 tonnes, ont été amenées en une seule pièce par blondin. Un palan télécommandé a été monté, pour manutentionner à distance les moellons menaçant de basculer, ainsi que les matériaux, car la chaussée n’était plus accessible à des moyens de levage standards.

C’est un mortier à la chaux développé initialement pour l’assainissement de ruines aux Grisons qui a été utilisé dans le cadre de la restauration. D’une couleur beige et composé de granulats grossiers, son aspect est très proche du mortier d’origine qui était lui à base de sable de la Grand’Eau. Quelques voussoirs de la voûte d’origine en cornieule ont été remplacés. La moitié des joints verticaux de la voûte ont été laissés ouverts comme drainage, et comme lieu de nidification notamment pour les cincles plongeurs. Les nouvelles pierres de taille sont en tuf, ce qui permet de les distinguer des éléments d’origine.

A la fin des travaux, en automne 2023, des sondages ont mis au jour 2 états de chaussée anciens. Le 1er état (état d’origine ?), présente une pente en dos-d’âne longitudinale, qui mène l’eau de ruissellement vers les 4 gargouilles situées de part et d’autre de la voûte. Un affaissement de la chaussée en rive droite a mené à la réalisation du 2ème état de la chaussée : par-dessus le pavage d’origine, des cunettes avec une pente menant vers les gargouilles ont été créées le long des parapets. Dans ce 2ème état, un remblai sablo-limoneux faisait office de chaussée entre les cunettes, avec une pente en dos-d’âne cette fois transversale. Les 3 tirants situés au droit du tympan affaissé pourraient avoir été mis en place à cette occasion ; y a-t-il encore un lien avec les réparations décrites dans les délibérés de la Municipalité de l’été 1815 ?

Pour garantir l’écoulement de l’eau à long terme, les éléments de pavages des 1er et 2ème état ont été recouverts avec un nouveau pavage en galets posés sur lit de sable, jointoyé au mortier, de façon à stopper les infiltrations depuis la chaussée. De nouveaux tirants avec clef en forme de croix ont été mis en place pour garantir la stabilité des murs et de la voûte à long terme. Le 25 mai 2024, le pont sera inauguré, marquant le début d’un nouveau chapitre pour cet ouvrage chargé d’histoire.

Armand Lugrin